Source: Martens, Nouveau Recueil, vol. 1, p. 132-5, citant Wenck CIG t. III p. 414, Faber: N. E. Staatscanzley t. X p. 2, Merc. hist. et pol. t. 154 p. 106, 141, 256).

Déclaration de la cour de Russie du 2 Dec. 1762

Le Titre d'Impérial, que Pierre le Grand, de glorieuse memoire a pris, ou plutôt renouvellé pour lui et pour ses successeurs, appartient tant aux Souverains qu'à la Couronne et à la Monarchie de toutes les Russies depuis bien du tems.  Sa Majesté Impériale juge contraire à la stabilité de ce principe tout renouvellement du Réversal qu'on avoit donné successivement à chaque puissance, lorsqu'elle reconnut ce titre.

En conformité de ce sentiment, S. M. Impériale vient d'ordonner à son Ministère, de faire une Déclaration générale, que le titre d'Impérial, par sa nature même étant une fois attaché à la Couronne et à la Monarchie de Russie, et perpétué depuis llongues années et successions, ni Elle, ni ses successeurs às perpétuité ne pourront plus renouveller lesdits Réversaux, et encore moins entretenit quelque correspondance avec des puissances qui refuseront de reconnoitre le titre d'Impérial dans les personnes des souverains de toutes les Russies, ainsi que dans leur Couronne et leur Monarchie.

Et pour que cette Déclaration termine une fois pour toutes les difficultés dans une matière qui n'en doit avoir aucune, S. M. Impériale en partant de la Déclaration de l'Empereur Pierre le Grand, déclare, que le titre d'Impérial n'apportera aucun chan gement au Cérémonial usité entre les Cours, lequel restera sur le même pied.

Fait à Moscou le 21. Nov. (V.S.) (2. Déc. S.N.) 1762,

Signé:  WORONZOW

PR. A. GALLITZIN.

Contredéclaration de la France du 18 Janv. 1763

Les Titres ne sont rien par eux mêmes, ils n'ont de réalité qu'autant qu'ils sont reconnus, et leur valeur dépend de l'idée qu'on y attache, et de l'étendue que leur donnent ceux qui ont le droit de les admettre, de les rejetter, ou de les limiter.  Les Souverains eux mêmes ne peuvent pas s'attribuer des titres à leur choix; l'aveu de leurs sujets ne suffit pas; celui des autres Puissances est nécessaire; et chaque Couronne, libre de reconnoître, ou de récuser un titre nouveau, peut aussi l'adopter avec les modifications et les conditions qui lui conviennent.

En suivant ce principe, Pierre I. et ses Successeurs, jusqu'à l'Impératrice Elisabeth n'ont jamais éte connus en France que sous la dénomination de Czar.  Cette Princesse est la première de tous les Souverains de Russie, à qui le Roi ait accordé le titre Impérial; mais ce fut sous la conditiohn expresse que ce titre ne porteroit aucun préjudice au Cérémonial usité entre les deux Cours.

L'Impératrice Elisabeth souscrivit sans peine à cette condition, et s'en est expliquée de la manière la plus précise dans la Réversale, dressée par son ordre, et signée au mois de Mars 1745, par les Comtes de Bestucheff et de Woronzow.  La fille de Pierre I. y témoigne toute sa satisfaction.  Elle y reconnoit que c'est par amitié, et par une attention toute particulière du Roi pour Elle, que S. M. a condescendu à la reconnoissance du Titre d'Impérial que d'autres Puissances lui ont déjà concédé, et Elle avoue que cette complaisance du Roi lui est très-agréable.

Le Roi, animé des mêmes sentimens pour l'Impératrice Catharine, ne fait point de difficulté à lui accorder aujourd'hui le Titre d'Impérial, et de le reconnoitre en Elle come attaché au Trône de Russie; mais S. M. entend que cette reconnoissance soit faite aux mêmes conditions que sous les deux Règnes précédens, et Elle déclare que si par la suite quelqu'un des Successeurs de l'Impératrice, oubliant cet engagement solemnel et réciproque venoit à former quelque prétention contraire à l'usage constamment suivi entre les deux Cours sur le rang et la préséance, dès ce moment la Couronne de France par une juste réciprocité reprendroit son ancien stile, et cesseroit de donner le Titre d'Impérial à celle de Russie.

Cette Déclaration, tendante à prévenir tous sujets de difficulté pour l'avenir, est une preuve de l'amitié du Roi pour l'Impératrice, et du désir sincère qu'il a, d'établir entre les deux Cours une union solide t inaltérable.

Fait à Versailles, le 18. Janv. 1763.

Le Baron de BRETEUIL
 

Contredéclaration de l'Espagne du 5. Févr. 1763

Le souverain Don Carlos III, regnant en Espagne, sachant que le Titre d'Impérial, ainsi que tout autre, n'abolit, ni ne fixe le rang des Monarchies, lorsque quelque Souverain se l'attribue de son propre mouvement, ainsi que l'a fait le Czar Pierre I. n'a pas balancé, dès son avènement au Trône de donner ce Titre à l'Impératrice des Russies Elisabeth, sans avoir égard au refus qu'en avoient fait les Rois ses Prédécesseurs.  Cette Princesse a répondu à cette marque d'amitié, en remettant au Marquis d'Almodavas, Ministre Plénipotentiaire de S. M. Catholique auprès de sa personne, une Réversale semblable à celle qu'Elle avoit donnée au Roi Très-Chrétien, lorsque ce monarque accorda le même Titre à cette Princesse, sous la condition que cela n'apporteroit aucun changement au Cérémonial entre les deux Cours.  A l'exemple d'Elizabeth, Pierre III. son Neveu, renouvella cette réversale; mais l'Impératrice actuelle Catharine II. a cru devoir y substituer une Déclaration donnée à Moscow le 2. Dec. 1762. signée par le comte de Woronzow, son Grand-Chancelier, et remise au Ministre de S. M. Catholique, ainsi qu'à ceux des autres Puissances.

Le Roi Catholique connoit tout le Prix de l'amitié de l'Impératrice des Russies, Catharine, et de la bonne corresppondance établie entre les deux cours.  Pour lui prouver ses sentimens à cet égard, il consent avec plaisir, et sans exiger d'autres formalités que la Déclaration ci-dessus mentionnée, à lui accorder le titre d'Impérial, et à le reconnoitre comme attaché à sa Personne, et au Trône de Russie; mais en même tems S. M. Catholique entend, comme elle l'a toujours entendu, que ce titre n'influera en rien sur le rang, et la préséance réglés entre les Puissances; et Elle déclare que, si quelque Successeur au Trône de Russie, oubliant ces engagemens, venoit à former quelque entreprise qui y fut contraire, d ce moment le Monarque d'Espagne, et les Empires sous sa domination, reprendroient leur ancien stile, et refuseroient de donner le Titre d'Impérial à la Russie.

Fait au Pardo le 5. Fevr. 1763.

Signé:  DON RICARDO WALL.