Manifestes du comte de Chambord et du comte de Paris
MANIFESTE
Publié dans le Moniteur universel du 15 novembre suivant.
Frohsdorf, 25 Octobre 1852.
Français ! En présence des épreuves de ma patrie,
je me suis volontairement condamné à l'inaction et au
silence. Je ne me pardonnerais pas d'avoir pu un seul moment aggraver
ses embarras et ses périls. Séparé de la France,
elle m'est chère et sacrée autant et plus encore que si
je ne l'avais jamais quittée. J'ignore s'il me sera donné
de servir un jour mon pays, mais je suis bien sûr qu'il n'aura
pas à me reprocher une parole, une démarche qui puisse
porter la moindre atteinte à sa prospérité et
à son repos. C'est son honneur comme le mien, c'est le soin de
son avenir, c'est mon devoir envers lui, qui me décident
à élever aujourd'hui la voix.
Français, vous voulez la monarchie : vous avez reconnu qu'elle
seule peut vous rendre, avec un gouvernement régulier et stable,
cette sécurité de tous les droits, cette garantie de tous
les intérêts, cet accord permanent d'une autorité
forte et d'une sage libellé, qui fondent et assurent le bonheur
des nations. Ne vous livrez pas à des illusions qui tôt ou
tard vous seraient funestes. Le nouvel empire qu'on vous propose ne
saurait être cette monarchie tempérée et durable
dont vous attendez tous ces biens. On se trompe et on vous trompe,
quand on vous les promet en son nom. La monarchie véritable, la
monarchie traditionnelle, appuyée sur le droit
héréditaire et consacrée par le temps. peut seule
vous remettre en possession de ces précieux avantages et vous en
faire jouir à jamais.
Le génie et la gloire de Napoléon n'ont pu suffire
à fonder rien de stable ; son nom et son souvenir y suffiraient
bien moins encore. On ne rétablit pas la sécurité
en ébranlant le principe sur lequel repose le trône, et on
ne consolide pas tous les droits en méconnaissant celui qui est
parmi nous la base nécessaire de l'ordre monarchique. La
monarchie en France, c'est la maison royale de France indissolublement
unie à la nation. Mes pères et les vôtres ont
traversé les siècles, travaillant de concert, selon les
mœurs et les besoins du temps, au développement de notre belle
patrie. Pendant quatorze cents ans, seuls entre tous les peuples de
l'Europe, les Français ont toujours eu à leur tête
des princes de leur nation et de leur sang. L'histoire de mes
ancêtres est l'histoire de la grandeur progressive de la France,
et c'est encore la monarchie qui l'a dotée de cette
conquête d'Alger, si riche d'avenir, si riche déjà
par les hautes renommées militaires qu'elle a
créées, et dont la gloire s'ajoute à toutes vos
gloires.
Quels que soient sur vous et sur moi les desseins de Dieu, resté
chef de l'antique race de vos rois, héritier de cette longue
suite de monarques qui durant tant de siècles ont incessamment
accru et fait respecter la puissance et la fortune de la France, je me
dois à moi-même, je dois à ma famille et à
ma patrie, de protester hautement contre des combinaisons
mensongères et pleines de dangers. Je maintiens donc mon droit,
qui est le plus sûr garant des vôtres, et, prenant Dieu
à témoin, je déclare à la France et au
monde que, fidèle aux lois du royaume et aux traditions de mes
aïeux, je conserverai religieusement jusqu'à mon dernier
soupir le dépôt de la monarchie héréditaire
dont la Providence m'a confié la garde, et qui est l'unique port
de salut où, après tant d'orages, cette France, objet de
tout mon amour, pourra retrouver enfin le repos et le bonheur.
MANIFESTE.
Frontière de France (Suisse), 9 Octobre 1870.
Français !
Vous êtes de nouveau maîtres de vos destinées.
Pour la quatrième fois depuis moins d'un demi-siècle, vos
institutions politiques se sont écroulées, et nous sommes
livrés aux plus douloureuses épreuves.
La France doit-elle voir le terme de ces agitations stériles,
source de tant de malheurs ? C'est à vous de répondre.
Durant les longues années d'un exil immérité, je
n'ai pas permis un seul jour que mon nom fût une cause de
division et de trouble, mais aujourd'hui qu'il peut être un gage
de conciliation et de sécurité, je n'hésite pas
à dire à mon pays que je suis prêt à me
dévouer tout entier à son bonheur.
Oui, la France se relèvera, si, éclairée par les
leçons de l'expérience, lasse de tant d'essais
infructueux, elle consent à rentrer dans les voies que la
Providence lui a tracées.
Chef de cette Maison de Bourbon qui, avec l'aide de Dieu et de vos
pères, a constitué la France dans sa puissante
unité, je devais ressentir plus profondément que tout
autre l'étendue de nos désastres, et, mieux qu'à
tout autre, il m'appartient de les réparer.
Que le deuil de la patrie soit le signal du réveil et des nobles
élans. L'étranger sera repoussé,
l'intégrité de notre territoire assurée, si nous
savons mettre en commun tous nos efforts, tous nos dévouements
et tous nos sacrifices.
Ne l'oubliez pas : c'est par le retour à ses traditions de foi
et d'honneur, que la grande nation un moment affaiblie recouvrera sa
puissance et sa gloire.
Je vous le disais naguère : gouverner ne consiste pas à
flatter les passions des peuples, mais à s'appuyer sur leurs
vertus.
Ne vous laissez pas entraîner par de fatales illusions. Les
institutions républicaines, qui peuvent correspondre aux
aspirations de sociétés nouvelles, ne prendront jamais
racine sur notre vieux sol monarchique.
Pénétré des besoins de mon temps, toute mon
ambition est de fonder avec vous un gouvernement vraiment national,
ayant le droit pour base, l'honnêteté pour moyen, la
grandeur morale pour but.
Effaçons jusqu'au souvenir de nos dissensions passées, si
funestes au développement du véritable progrès et
de la vraie liberté.
Français, qu'un seul cri s'échappe de notre cœur : Tout pour la France, par la France, et avec la France.
PROTESTATION CONTRE LE BOMBARDEMENT DE PARIS
7 Janvier 1871.
Il m'est impossible de me contraindre plus longtemps au silence.
J'espérais que la mort de tant de héros tombés sur
le champ de bataille, que la résistance énergique d'une
capitale résignée à tout pour maintenir l'ennemi
en dehors de ses murs épargnerait à mon pays de nouvelles
épreuves. Mais le bombardement de Paris arrache à ma
douleur un cri que je ne saurais contenir.
Fils des rois chrétiens qui ont fait la France, je gémis
de ses désastres. Condamné à ne pouvoir les
racheter au prix de ma vie, je prends à témoin les
peuples et les rois, et je proteste, comme je le puis, contre la guerre
la plus sanglante et la plus lamentable qui fût jamais.
Qui parlera au monde, si ce n'est pas moi, pour la ville de Clovis, de
Clotilde et de Geneviève, pour la ville de Charlemagne et de
saint Louis, de Philippe-Auguste et de Henri IV, pour la ville des
sciences, des arts et de la civilisation ?
Non ! je ne verrai pas périr la grande cité que chacun de mes aïeux a pu appeler ma bonne ville de Paris.
Et puisque je ne puis rien de plus, ma voix s'élèvera de
l'exil pour protester contre la ruine de ma patrie; elle criera
à la terre et au Ciel, assurée de rencontrer la sympathie
des hommes, en attendant tout de la justice de Dieu.
MANIFESTE
Chambord, 5 .Juillet 1871.
Français !
Je suis au milieu de vous.
Vous m'avez rouvert les portes de la France, et je n'ai pu me refuser le bonheur de revoir ma patrie.
Mais je ne veux pas donner, par ma présence prolongée, de
nouveaux prétextes à l'agitation des esprits si
troublés en ce moment.
Je quitte donc ce Chambord que vous m'avez donné et dont j'ai
porté le nom avec fierté, depuis quarante ans, sur les
chemins de l'exil.
En m'éloignant, je tiens à vous le dire, je ne me
sépare pas do vous : la France sait que je lui appartiens.
Je ne puis oublier que le droit monarchique est le patrimoine de la
nation, ni décliner les devoirs qu'il m'impose envers elle.
Ces devoirs, je les remplirai ; croyez-en ma parole d'honnête homme et de roi.
Dieu aidant, nous fonderons ensemble, et quand vous le voudrez, sur les
larges assises de la décentralisation administrative et des
franchises locales, un gouvernement conforme aux besoins réels
du pays.
Nous donnerons pour garantie à ces libertés publiques
auxquelles tout peuple chrétien a droit, le suffrage universel
honnêtement pratiqué et le contrôle de deux
Chambres, et nous reprendrons, en lui restituant son caractère
véritable, le mouvement national de la fin du dernier
siècle.
Une minorité révoltée contre les vœux du pays, en
a fait le point de départ d'une période de
démoralisation par le mensonge et de désorganisation par
la violence. Ses criminels attentats ont imposé la
révolution à une nation qui ne demandait que des
réformes, et l'ont, dès lors, poussée vers
l'abîme où hier elle eût péri sans
l'héroïque effort de notre armée.
Ce sont les classes laborieuses, ces ouvriers des champs et des villes
dont le sort a fait l'objet de mes plus chères études,
qui ont le plus souffert de ce désordre social.
Mais la France, cruellement désabusée par des
désastres sans exemple, comprendra qu'on ne revient pas à
la vérité en changeant d'erreur, qu'on n'échappe
pas par des expédients à des nécessités
éternelles.
Elle m'appellera, et je viendrai à elle tout entier, avec mon dévouement, mon principe et mon drapeau.
A l'occasion de ce drapeau, on a parlé de conditions que je ne dois pas subir.
Français !
Je suis prêt à tout pour aider mon pays à se
relever de ses ruines et à reprendre son rang dans le monde; le
seul sacrifice que je ne puisse lui faire, c'est celui de mon honneur.
Je suis et veux être de mon temps ; je rends un sincère
hommage à toutes ses grandeurs, et, quelle que fut la couleur du
drapeau sous lequel marchaient nos soldats, j'ai admiré leur
héroïsme et rendu grâces à Dieu de tout ce que
leur bravoure ajoutait au trésor des gloires de la France.
Entre vous et moi, il ne doit subsister ni malentendu ni arrière-pensée.
Non, je ne laisserai pas, parce que l'ignorance ou la
crédulité auront parlé de privilèges,
d'absolutisme et d'intolérance, que sais-je encore ? de
dîme, de droits féodaux, fantômes que la plus
audacieuse mauvaise foi essaye de ressusciter à vos yeux, je ne
laisserai pas arracher de mes mains l'étendard d'Henri IV, de
François Ier et de Jeanne d'Arc.
C'est avec lui que s'est faite l'unité nationale ; c'est avec
lui que vos pères, conduits par les miens, ont conquis cette
Alsace et cette Lorraine dont la fidélité sera la
consolation de nos malheurs.
Il a vaincu la barbarie sur cette terre d'Afrique témoin des
premiers faits d'armes des princes de ma famille ; c'est lui qui
vaincra la barbarie nouvelle dont le monde est menacé.
Je le confierai sans crainte à la vaillance de notre
armée ; il n'a jamais suivi, elle le sait, que le chemin de
l'honneur.
Je l'ai reçu comme un dépôt sacré du vieux
roi, mon aïeul, mourant en exil ; il a toujours été
pour moi inséparable du souvenir de la patrie absente ; il a
flotté sur mon berceau, je veux qu'il ombrage ma tombe.
Dans les plis glorieux de cet étendard sans tache, je vous apporterai l'ordre et la liberté.
Français, Henri V ne peut abandonner le drapeau blanc d'Henri IV.
Henri.
MANIFESTE.
2 Juillet 1874
Français,
Vous avez demandé le salut de notre patrie à des
solutions temporaires, et vous semblez à la veille de vous jeter
dans de nouveaux hasards.
Chacune des révolutions survenues depuis quatre-vingts ans a
été une démonstration éclatante du
tempérament monarchique du pays.
La France a besoin de la royauté. Ma naissance m'a fait votre roi.
Je manquerais au plus sacré de mes devoirs, si, à ce
moment solennel, je ne tentais un suprême effort pour renverser
la barrière de préjugés qui me sépare
encore de vous.
Je connais toutes les accusations portées contre ma politique, contre mon attitude, mes paroles et mes actes.
Il n'est pas jusqu'à mon silence qui ne serve de prétexte
à d'incessantes récriminations. Si je l'ai gardé
depuis de longs mois, c'est que je n'ai pas voulu rendre plus difficile
la mission de l'illustre soldat dont l'épée vous
protège. Mais iuijourtl'liui, on présence de tant
d'erreurs accumulées, de tant de mensonges répandus, de
tant d'honnêtes gens trompés, le silence n'est plus
permis. L'honneur m'impose une énergique protestation.
En déclarant, au mois d'octobre dernier, que j'étais
prêt à renouer avec vous la chaîne de nos
destinées, à relever l'édifice
ébranlé de notre grandeur nationale, avec le concours de
tous les dévouements sincères, sans distinction de rang,
d'origine ou de parti ;
En affirmant que je ne rétractais rien des déclarations
sans cesse renouvelées, depuis trente ans, dans les documents
officiels et privés qui sont dans toutes les mains ;
Je comptais sur l'intelligence proverbiale de notre race et sur la clarté de notre langue.
On a feint de comprendre que je plaçais le pouvoir royal
au-dessus des lois, et que je rêvais je ne sais quelles
combinaisons gouvernementales basées sur l'arbitraire et
l'absolu.
Non, la monarchie chrétienne et française est, dans son
essence même, une monarchie tempérée qui n'a rien
à emprunter à ces gouvernements d'aventure qui promettent
l'âge d'or et conduisent aux abîmes.
Cette monarchie tempérée comporte l'existence de deux
Chambres, dont l'une est nommée par le Souverain, dans des
catégories déterminées, et l'autre par la nation,
selon le mode de suffrage réglé par la loi.
Où trouver ici la place de l'arbitraire ?
Le jour où, vous et moi, nous pourrons face à face
traiter ensemble des intérêts de la France, vous
apprendrez comment l'union du peuple et du roi a permis à la
monarchie française de déjouer, pendant tant de
siècles, les calculs de ceux qui ne luttent contre le roi que
pour dominer le peuple.
Il n'est pas vrai de dire que ma politique soit on désaccord avec les aspirations du pays.
Je veux un pouvoir réparateur et fort; la France ne le veut pas
moins que moi. Son intérêt l'y porte ; son instinct le
réclame.
On recherche des alliances sérieuses et durables ; tout le monde
comprend que la monarchie traditionnelle, seule, peut les donner.
Je veux trouver dans les représentants de la nation des
auxiliaires vigilants pour l'examen des questions soumises à
leur contrôle, mais je ne veux pas de ces luttes stériles
de parlement d'où le souverain sort, trop souvent, impuissant et
affaibli; et, si je repousse la formule d'importation
étrangère que répudient toutes nos traditions
nationales, avec son roi qui règne et qui ne gouverne pas,
là encore je me sens en communauté parfaite avec les
désirs de l'immense majorité, qui ne comprend rien
à ces fictions, qui est fatiguée de ces mensonges.
Français,
Je suis prêt aujourd'hui comme je l'étais hier.
La Maison de France est sincèrement, loyalement réconciliée. Ralliez-vous, confiants, derrière elle.
Trêve à nos divisions, pour ne songer qu'aux maux de la
patrie. N'a-t-elle pas assez souffert? N'est-il pas temps de lui
rendre, avec sa royauté séculaire, la
prospérité, la sécurité, la dignité,
la grandeur, et tout ce cortège de libertés
fécondes que vous n'obtiendrez jamais sans elle ?
L'œuvre est laborieuse, mais, Dieu aidant, nous pouvons l'accomplir.
Que chacun, dans sa conscience, pèse les responsabilités
du présent et songe aux sévérités de
l'histoire.
TESTAMENT POLITIQUE DU COMTE DE PARIS
Il m'a toujours paru fort imprudent, même pour les Princes et les
hommes d'Etat qui ont joué un grand rôle parmi leurs
contemporains, d'écrire un testament politique. Pour qu'un tel
document puisse être vraiment utile à leurs successeurs,
il faudrait qu'ils eussent reçu le don de lire dans l'avenir,
don qu'il faut remercier Dieu de nous avoir refusé.
Aussi, au moment où je me prépare tout
particulièrement à paraître devant ce souverain
Juge, n'ai-je pas l'intention de tracer une ligne de conduite à
mon fils. Il connaît mes pensées, mes sentiments, mes
espérances ; il aura toujours pour guide la conscience de ses
devoirs et l'amour passionné de la France qui est la tradition
invariable de notre Maison.
C'est à mes amis que je tiens à dire un dernier adieu, au
moment de terminer une vie: que je n'ai pu consacrer aussi utilement
que je l'aurais voulu au service de noire pays. Et je ne m'adresse pas
seulement à ceux avec qui j'ai été en relations
directes. J'appelle amis ou amies toutes les personnes, quelle que soit
leur condition sociale, qui, de mon vivant, ont l'ait des vœux pour le
succès de la cause monarchique et qui prieront Dieu pour moi au
jour de ma mort. Ce m'est une consolation de songer qu'elles se
souviendront de moi, lorsque des jours plus heureux luiront sur la
France, lorsque, comme je le souhaite avec ardeur, les passions
politiques et religieuses qui divisent en ce moment si
profondément les enfants d'un même pays seront
apaisées.
Cet apaisement ne pourra être que l'œuvre de la monarchie
nationale et traditionnelle. Seule, elle pourra réunir dans un
effort commun tous les dévouements, tous les élans
généreux, qui, à l'honneur de notre pays, ne sont
le monopole d'aucun parti.
Lorsque je ne serai plus, j'espère que la France rendra justice
aux efforts que j'ai faits, au lendemain de ses désastres, pour
l'aider à chercher à se relever en revenant au principe
monarchique. En 1873, j'ai été à Frohsdorf pour
écarter tous les obstacles personnels et pour donner l'exemple
du respect absolu du principe héréditaire, dans la Maison
de France. Dix ans après, le parti monarchique montrait sa
vitalité et son esprit politique en ne se laissant pas
ébranler par la transmission du dépôt traditionnel
qui passait du représentant de la branche aînée au
représentant de la branche cadette.
J'ai cherché à répondre à la confiance que
ce grand parti avait montrée à son nouveau chef en
travaillant à fusionner les éléments divers dont
il se composait. Le résultat des élections de 1885
montra adversaires politiques y répondirent par l'exil. Je
n'avais rien fait pour le provoquer, si ce n'est d'exciter leurs
alarmes. Je ne fis rien pour l'éviter, et je le subis comme
l'une des plus dures conséquences de la situation que me faisait
ma naissance.
J'ai poursuivi sans relâche dans l'exil l'œuvre commencée
sur le sol français, au milieu des circonstances les plus
difficiles. J'ai pu me tromper parfois sur les hommes et sur les
choses, mais je l'ai toujours fait de bonne foi, et j'ai le droit de
dire que tous mes actes n'ont jamais été inspirés
que par mon dévouement à la France et à la cause
que je représente.
Mon but a toujours été de conserver le dépôt
du principe traditionnel dont ma naissance m'avait constitué le
gardien, et de prouver à la France que ce principe n'avait rien
d'incompatible avec les idées modernes, avec notre état
social actuel.
En transmettant cet héritage à mon fils
aîné, je demande à tous mes amis de se serrer
autour de lui. J'ai confiance dans l'avenir; j'espère qu'ils
partageront cette confiance. Elle sera leur soutien au milieu de toutes
les épreuves et le gage de leur succès final.
Je ne puis pas croire, en effet, que Dieu ait pour toujours
abandonné la France, le pays auquel il a donné, saint
Louis et Jeanne d'Arc. Or, pour qu'elle se relève, il faut
qu'elle redevienne une nation chrétienne. Une nation qui a perdu
le sentiment religieux, où les passions ne sont plus contenues
par aucun frein moral, où ceux qui soutirent ne trouvent pas un
motif de résignation dans l'espoir de la vie future, est
destinée à se diviser, à se déchirer,
à devenir la proie de ses ennemis intérieurs ou
extérieurs.
Le premier devoir de mes amis est donc d'arracher la France à la
voie funeste qui la conduirait à une telle catastrophe.
J'espère que, dans cette œuvre de salut, ils verront se
réunir à eux tous les honnêtes gens que
l'expérience ne peut manquer d'éclairer un jour. C'est le
dernier vœu de l'exilé pour une patrie à laquelle il
recommande à ses enfants de rosier toujours
dévoués et fidèles.
Stowe-House, 21 Juillet 1894.
Philippe, Comte de Paris.