Comments by a Legitimist on the comte de Chambord's views on succession

Henri-Scipion-Charles, marquis de Dreux-Brézé (1826-1904) was an important figure in the legitimist party. From 1872 to the death of the comte de Chambord, in 1883, he was the intermediary between the comte and the royalist committees in 55 départements (more than half of France). After the death of the comte de Chambord in 1883, he supported the comte de Paris.

The following is taken from his book: Notes et Souvenirs pour servir à l'histoire du parti royaliste (Paris: Perrin et Cie, 1899, 4th ed.; pp. 227-234).

Après la mort de Monsieur le Comte de Chambord, les royalistes, privés de leur chef, reconnurent presque immédiatement, fidèles en cela à leurs, principes, les droits de tout temps, à mon avis incontestables, de Monsieur le Comte de Paris à la couronne de France.

Quelques légitimistes, toutefois, s'essayèrent à contester ces mêmes droits et se refusèrent à conférer à Monsieur le Comte de Paris le titre d'héritier du Roi.

En face de ce double fait et en raison du bruit qui se produisit durant quelques mois autour de cette opposition à la conduite, presque universelle du parti royaliste (je me sers à dessein du mot bruit car ces attaques n'eurent jamais de retentissement sérieux), je puis me regarder comme autorisé il intervenir, à mon tour; il m'est permis de consigner ici, au moins pour les miens, mon sentiment sur l'opinion de Monseigneur à l'égard des droits de Monsieur le Comte de Paris et les motifs sur lesquels j'appuie ce sentiment.

Monseigneur a toujours admis, telle est ma certitude, le droit de Monsieur le Comte de Paris à lui succéder sur le trône de France. Il fut toujours persuadé que la presque unanimité des légitimistes le considéreraient, après sa mort, comme son héritier.

Représentant du droit monarchique, plaçant toute sa force en lui, appuyant sur lui son action, Monsieur le Comte de Chambord n'avait point à régler son héritage royal. Il a entendu le laisser après lui intact. De là son silence sur ce point spécial ; de là une erreur lorsque quelques-uns prétendirent voir, dans l'accueil fait par Monseigneur sur son lit de mort, à Monsieur le Comte de Paris, une sorte de sacre anticipé; mais de là aussi cette vérité, incontestable pour moi, qu'en recevant Monsieur le Comte de Paris comme il l'accueillit le 5 août 1873 et le 7 juillet 1883, Monseigneur avait en vue, comme Roi, l'avenir de la France et sa pacification intérieure.

La phrase suivante que j'extrais d'une lettre de Monsieur le Comte de Chambord au vicomte de Rodez-Bénavent, et que je reproduis de nouveau ici, justifie pleinement mon appréciation [lettre au vicomte de Rodez-Bénavent, député de l'Hérault, datée de Frohsdorf et du 19 septembre 1873.] : 
« Quant à la réconciliation si loyalement accomplie dans la Maison de France, dites à ceux qui cherchent à dénaturer ce grand acte que tout ce qui s'est fait le 5 août a été bien fait dans l'unique but de rendre à la France son rang, et dans les plus chers intérêts de sa prospérité, de sa gloire et de sa grandeur.»

Si, dans son esprit, le, droit à sa succession comme Roi de France avait reposé sur une autre tête que celle de Monsieur le Comte de Paris, Monsieur le Comte de Chambord, qui, plus que personne, connaissait les dispositions d'esprit de son parti, eût certainement combattu l'opinion qui, parmi les royalistes prévalait, dans la mesure dont nous parlions tout à l'heure, en faveur de ce prince. Il n'eût pas laissé s'enraciner une appréciation à ses yeux erronée ; il se fût refusé, avec la loyauté de son caractère, à prendre une part, même tacite au triomphe à venir de ce qu'il jugeait une usurpation ; il aurait cherché, par l'entremise de ses mandataires autorisés, à éclairer ses fidèles, à diriger leurs regards et leur dévouement vers le prince appelé à devenir leur Roi, ou, du moins, celui de leurs enfants.

Eh bien, je l'affirme ici, intermédiaire de Monsieur le Comte de Chambord près des royalistes de cinquante-cinq départements de France, chargé de leur communiquer ses ordres, de les conduire sous sa direction, je n'ai jamais reçu, par conséquent je n'ai jamais eu à transmettre une seule instruction de Monseigneur me désignant un autre héritier de la couronne de France que Monsieur le Comte de Paris, ou même me faisant pressentir la possibilité d'une autre indication.

Ces faits, ces constatations, ces souvenirs m'ont constamment guidé : c'est d'eux, en particulier, que je me suis inspiré durant les deux mois de juillet et d'août 1883, époque à laquelle tant d'initiatives m'étaient imposées et tant de responsabilités pesaient sur moi.

Voilà ce que j'étais en droit d'affirmer dès 1884.

Depuis, en dehors du procès-verbal de la visite du 5 août à Frohsdorf, procès-verbal reproduit plus haut et sur lequel je n'ai point à revenir ici, d'autres documents officiels, ayant trait à la question qui nous occupe, mais dont, seule l'existence était sue de moi, furent portés à ma connaissance.

Ces documents déterminent précisément le vrai sens à attribuer, d'après les instructions de Monsieur le Comte de Chambord, à ces expressions, sujet de tant d'interprétations contradictoires, prendre sa place dans la famille.

La rédaction de cette formule remonte aux négociations engagées successivement en vue de ce que l'on appela la fusion.

Elle fut, dès lors, et resta constamment la traduction, mise dans la bouche de ses représentants autorisés du non-consentement de Monsieur le Comte de Chambord à ce que les princes d'Orléans fussent considérés et établis comme des mandataires entre lui et la France, à ce qu'ils puissent devenir vis-à-vis de lui les porteurs de conditions à lui faire accepter.

Par contre, cette formule n'eut jamais la signification que lui atttribuèrent quelques écrits. En demandant à Monseigneur le Comte de Paris de déclarer son intention de reprendre sa place dans la famille Monseigneur n'eut, à aucune époque, la volonté, que lui prêtèrent les adversaires des droits héréditaires de Monseigneur le Comte du Paris, de reléguer comme rang dans la Maison royale de France ces princes après les princes d'Espagne, de Naples et de Parme.

C'est ici et à ce propos que nous recourons aux documents dont nous parlions tout à l'heure.

A la date du 25 février 1871 et au cours d'une série d'instructions destinées il guider les représentants, en France, de Monsieur le Comte de Chambord, M. de Blacas écrit :
[Les trois extraits suivants, tirés, le premier, d'une note du comte de Blacas, les autres, de deux lettres de lui, furent copiés par moi sur le brouillon ou une reproduction de cette note ou de ces lettres, brouillon ou reproduction écrits en entier de la main de M. de Blacas et portant, tous trois, la date de leur expédition à leur destinataire]

« Pour répondre à un désir de la fusion et pour prouver que les obstacles ne viennent pas de lui (Monsieur le Comte de Chambord), fait dire à ses amis de la Chambre de travailler à créer un mouvement dans ce sens que la Chambre prenne, elle-même, l'initiative de, la fusion, en proclamant la Monarchie rétablie dans la Maison de France, suivant le droit traditionnel et héréditaire, remettant ainsi toutes choses en l'état où elles se trouvaient il la fin de juillet 1830. »

Un peu plus tard, à la date du 20 avril de cette même 1871, M. de Blacas, consulté au sujet d'une pétition dont quelques députés de la Droite de l'Assemblée nationale et parmi eux M. Dahirel, se proposaient de prendre l'initiative, traçait, ainsi qu'il suit, le terrain sur lequel ces Messieurs se devaient placer :

« Il ne faudrait pas que ces pétitions eussent l'air de faire dépendre la restauration de la Monarchie du consentement des princes d'Orléans ; mais si elles contiennent seulement l'idée que cette restauration remet, en même temps, les princes d'Orléans à leur place et leur rend tous leurs droits héréditaires, elles seraient dans le vrai et justifieraient parfaitement le dépôt suivi de la proposition dont parle M. Dahirel. »

Enfin, à l'occasion de simples visites, faites antérieurement au 5 août 1873, à Monsieur le Comte et à Madame la Comtesse de Chambord par des princes de la maison de France, M. de Blacas, alors à Vienne, et chargé de donner à leur sujet des explications, écrit le 11 juillet 1873:

« Du moment qu'il s'agit de princes français, leur visite ne doit avoir d'autre signification que la reconnaissance absolue du principe et de la volonté nettement exprimée par eux, de reprendre dans la famille leur rang naturel à la suite du Roi. »

Quelle valeur, je le demande, peut conserver, en face de ces témoignages, l'essai d'opposer au droit de Monsieur le Comte de Paris, une pensée intime de Monsieur le Comte de Chambord, pensée d'ailleurs présentée au public, pour la première fois, après la mort seulement de Monseigneur? Tenter cette opposition n'est-ce pas déclarer que, durant ces trente années, Monseigneur nous a trompés? Or, comment un royaliste fidèle à la mémoire d'un Roi tel que le fut toujours le nôtre peut-il ne pas reculer devant une pareille conséquence?

La petite église de Froshdorf

Extrait d'un article du Figaro du 04 sept 1883 , signé Pierre Giffard

" Une intimité sourde séparait des princes d'Orléans ce qu'on appelait dans l'entourage des princes, la petite église de Frohsdorf, c'est à dire la comtesse, les princesses, ses niéces, et MM.de Blacas, de Dams, de Raincourt, de Monti, de Chevigné; en un mot presque tous ceux qu'on pourrait appeler les conseillers intimes du prince mort. .... Ainsi, s'éclaircit le roman de l'héritage politique du comte de Chambord. Nous savons , nous, à quoi nous en tenir et si on pousse la comtesse de Chambord, à bout elle parlera, elle produira des documents , s'il le faut qui surprendront bien des gens. "

Cet article fit l'objet d'une réponse par "les conseillers intimes du prince " :

" Frohsdorf, 7 septembre 1883.

Monsieur le Rédacteur en chef,

Arrivés seulement hier matin de Göritz, nous lisons dans le Figaro du 4 septembre un article signé Pierre Giffard et intitulé : "" Les funérailles de M. le comte de Chambord "" . L'auteur, dont la bonne foi a été surprise, attribue un rôle imaginaire à ce qu'il appelle "" la petite église de Frohsdorf ""

Nous soussigné, directement mis en cause, et présents en ce moment à Frohsdorf, donnons un démenti formel aux appréciations émises par le prétendu conseiller intime, Maurice d'Andigné, qui n'a pu, en tout cas, que parler en son nom personnel.

Nous refusons d'accepter l'attitude qu'on veut nous prêter, soit dans le passé, soit dans le présent.

Nous reconnaissons les droits de M. le comte de Paris à la succession de M. le comte de Chambord.

Nous nions absolument l'existence des documents auxquels il est fait allusion dans la conversation rapportée par votre correspondant.

Tout notre désir est de n'avoir plus à répodre à des attaques ou à des accusations de ce genre , et de voir respecter le silence et la retraite où nous rentrons.

Après avoir loyalement servi jusqu'à sa mort le Roi tendrement aimé et à jamais regretté, que nous pleurons aujourd'hui ; après avoir consacré tout notre dévouement, tout notre coeur, à celui qui a daigné si souvent nous appeler ses amis, nous garderons à sa mémoire la fidélité qui a été l'honneur de notre vie et qui sera une consolation dans notre douleur.

Nous vous prions, Monsieur le Rédacteur en chef, de vouloir bien insérer cette rectification et de recevoir l'assurance de nos sentiments distingués.

signé : Comte de Blacas, baron de Raincourt, comte R. de Monti, comte Ad. de Chevigné, comte de Damas d'Hautefort "

in Souvenirs sur le comte de Chambord par le comte René de Monti de Rézé, 1930