Edit de juillet 1717


EDIT concernant la succession à la couronne.

Paris, juillet 1717.  Registré au Parlement de Paris, 8 juillet..

(Source: François-André Isambert, Decrusy, Alphonse-Honoré Taillandier: Recueil général des anciennes lois françaises . Paris: Belin-Leprieur, 1830. Tome XXI, p. 144-148.)

Louis etc. Le feu roi, notre très-honoré seigneur et  aïeul, a ordonné par son édit du mois de juillet 1714 que si dans la suite des temps tous les princes légitimes de l'auguste maison de Bourbon venoient à manquer, en sorte qu'il n'en restât pas un seul pour être héritier de notre couronne, elle seroit, dans ce cas, dévolue et déférée de plein droit à Louis-Auguste de Bourbon, duc du Maine, et à Louis-Alexandre de Bourbon, comte de Toulouse, ses enfants légitimes et à leurs en enfants  et descendants mâles à perpétuité, nés et à naître en légitime mariage, gardant entre eux l'ordre de succession et préférant toujours la branche aînée à la cadette, les déclarant audit cas seulement de manquement de tous les princes légitimes de notre sang capables de succéder à la couronne de France exclusivement à tous autres; voulant aussi que sesdits fils légitimés le duc du Maine et ses enfants et descendants mâles, et pareillement le comte de Toulouse, et ses enfants et descendants mâles à perpétuité, nés en légitime mariage, eussent entrée et séance en notre cour de parlement au même âge que les princes de notre sang, encore qu'ils n'eussent point de pairies, sans être obligés d'y prêter serment, et qu'ils y jouissent des mêmes honneurs qui sont rendus aux princes de notre sang, qu'ils fussent en tous lieux et en toutes occasions regardés et traités comme les princes de notre sang, après néanmoins tous lesdits princes, et avant tous les autres princes des maisons souveraines et tous autres seigneurs de quelque dignité qu'ils puissent être. Voulant enfin que cette prérogative d'entrée et séance au parlement, et de jouir par eux et par leurs descendants, tant dans les cérémonies qui se faisoient et se feroient en sa présence , et des rois ses successeurs, qu'en tous autres lieux des mêmes rangs, honneurs et préséances, dus à tous les princes de son sang royal, après néanmoins tous lesdits princes, fût attachée à leurs personnes et à celles de leurs descendants à perpétuité, à cause de l'honneur et l'avantage qu'ils ont d'être issus de lui, dérogeant à ses édits des mois de mai 1694 et mai 1711, en ce qu'ils pouvoient être contraires audit édit du mois de juillet 1714. Depuis cet édit registré en notre cour de parlement à Paris, le 2 août de l'année 1714, quelques-unes des chambres de notredite cour ayant fait difficulté de recevoir les requêtes de nosdits oncles avec la qualité de princes du sang, et de la leur donner dans les jugements où ils étoient parties, le feu roi, notre très-honoré seigneur et bisaïeul, ordonna par sa déclaration du 25 mai 1715 que dans notre cour de parlement et partout ailleurs, il ne seroit fait aucune différence entre les princes du sang royal, et sesdits fils légitimés et leurs descendants en légitime mariage, et en conséquence qu'ils prendroient la qualité de princes du sang, et qu'elle leur seroit donnée en tous actes judiciaires et tous autres quelconques, et que, soit pour le rang, la séance et généralement pour toute sorte de prérogative, les princes de notre sang et sesdits fils et leurs descendants seroient traités également, après néanmoins le dernier des princes de notre, sang, conformément à l'édit du mois de Juillet 1714 qui seroit exécuté selon sa forme et teneur ; mais la mort nous ayant enlevé le feu roi, notre très-honoré seigneur et bisaïeul, trois mois après cette déclaration, nos très-chers et très-amés cousins le duc de Bourbon, le comte de Charollois et le prince de Conti, princes de notre sang, Nous ont très-humblement suppliés de révoquer l'édit du mois de juillet 1714 et la déclaration du 23 mai 1715, à l'effet de quoi ils nous ont présenté une requête et différents mémoires, et nos très-chers et très-amés oncles le duc du Maine et le comte de Toulouse, ayant aussi exposé leurs raisons par plusieurs mémoires, ils nous ont présenté une requête par laquelle ils nous ont supplié ou de renvoyer la requête des princes de notre sang à notre majorité, ou si nous jugions à propos de la décider pendant notre minorité, de ne rien prononcer sur la question de la succession à la couronne avant que les Etats du royaume, juridiquement assemblés, aient délibéré sur l'intérêt, que la nation peut avoir aux dispositions de l'édit du mois de juillet 1714, et s'il  lui est utile ou avantageux d'en demander la révocation : cette requête a été suivie d'une protestation passée par-devant notaire qui tend aux mêmes fins, et dont nos très-chers et très-amés oncles, le duc du Maine et le comte de Toulouse, ont demandé que le dépôt fût fait au greffe de notre cour de parlement, à Paris, auquel ils ont présenté une requête à cet effet. Mais notredite cour, toujours attentive à conserver les règles de l'ordre public, et à nous donner des marques de son respect et de son zèle pour notre autorité, a jugé avec sa prudence ordinaire qu'elle ne pouvoit prendre d'autre parti sur celle requête que de nous en rendre compte pour recevoir les ordres qu'il nous plairoit de lui donner. Ainsi nous voyous avec déplaisir, que la disposition que le feu roi, notre très-honoré seigneur et bisaïeul, avoit faite, comme il le déclare lui-même par son édit du mois de juillet 1714, pour prévenir les malheurs et les troubles, qui pourroient arriver un jour dans le royaume si tous les princes de son sang royal venoient à manquer, est devenue, contre ses intentions, le sujet d'une division presente entre les princes de notre sang, et les princes légitimés dont les suites commencent à se faire sentir et que le bien de l'Etat exige qu'on arrête dans sa naissance. Nous espérons que Dieu, qui conserve la maison de France depuis tant de siècles, et qui lui a donné dans tous les temps des marques si éclatantes de sa protection, ne 1ui sera pas moins favorable à l'avenir, et que la faisant durer autant que la monarchie, il détournera par sa bonté le malheur qui avoit été l'objet de la prévoyance du feu roi. Mais si la nation française éprouvoit jamais ce malheur, ce seroit à la nation même qu'il appartiendroit de le réparer par la sagesse de son choix , et puisque les lois fondamentales de notre royaume nous mettent dans une heureuse impuissance d'aliéner le domaine de notre couronne, nous faisons gloire de reconnoître qu'il nous est encore moins libre de disposer de notre couronne même ; nous savons qu'elle n'est à nous que pour le bien et le salut de l'Etat, et que par conséquent l'État seul auroit droit d'en disposer dans un triste événement que nos peuples ne prévoient qu'avec peine, et dont nous sentons que la seule idée les afflige; nous croyons donc devoir à une nation si fidèlement et si inviolablement attachée à la maison de ses rois, la justice de ne pas prévenir le choix qu'elle auroit à faire si ce malheur arrivoit, et c'est par cette raison qu'il nous a paru inutile de la consulter en cette occasion, où nous n'agissons que pour elle, en révoquant une disposition sur laquelle elle n'a pas été consultée; notre intention étant de la conserver dans tous ses droits, en prévenant même ses voeux connue nous nous serions toujours crus obligés de le faire pour le maintien de l'ordre public, indépendamment des représentations que nous avons reçues de la part des princes de notre sang, mais après avoir mis ainsi l'intérêt et la loi de l'Etat en sûreté, et apres avoir déclaré que nous ne reconnaissions pas d'autres princes de notre sang que ceux qui étant issus des rois par une filiation légitime, peuvent eux-mêmes devenir rois, nous croyons aussi pouvoir donner une attention favorable à la possession dans laquelle nos très-chers et très-amés oncles, le duc du Maine et le comte de Toulouse, sont de recevoir dans notre cour de parlement les nouveaux honneurs dont ils ont joui depuis l'édit du mois de juillet 1714, et dont il nous a paru qu'on devoit d'autant moins leur envier la continuation pendant leur vie, que la race que nous leur accordons est fondée sur titi motif qui leur est si propre et si singulier, que dans la suite des temps il ne pourra pas être tiré à conséquence; c'est par cette considération que nous suivons avec plaisir les mouvements de notre affection pour des princes qui en sont si dignes par leurs qualités personnelles et par leur attachement pour nous.

A ces causes, etc., révoquons et annulons ledit édit du mois de juillet 1714 et ladite déclaration du mois de mai 1715; ordonnons néanmoins que nos très-chers et très-amés oncles le duc du Maine et le comte de Toulouse, continuent de recevoir les honneurs dont ils ont joui en notre cour de parlement depuis l'édit du mois de juillet 1714, et ce  en considération de leur possession, et sans tirer à conséquence, comme aussi sans qu'ils puissent se dire et qualifier princes de notre sang, ni que ladite qualité puisse leur être donnée, en quelques jugements et actes que ce puisse être, nous réservant d'expliquer nos intentions, sur l'entrée et séance en notre cour de parlement, de nos très-chers et très-amés cousins, le prince de Dombes et le comte d'Eu, et sur les honneurs dont ils y pourront jouir. Voulons au surplus que toutes protestations contraires aux présentes soient et demeurent nulles et comme non-avenues, ainsi que nous les annulons par le présent édit. Si donnons, etc.